vendredi 10 janvier 2014

16 - LE MAUVAIS AUGURE

Mon ami le corbeau a une sale tête. Noir, laid et beau, il hante les terres basses en prince piteux qu'il est. Frère de la brume, il chante son hymne à la boue tandis que son bec canaille se plante dans le sillon. Voleur, menteur, mal vêtu, c'est un bohémien des airs. Son aile lugubre plaît au vagabond, et moi j'aime sa silhouette malhonnête au fond des champs.

Il frappe à ma fenêtre, l'oeil méchant. Je lui tends mon pain. Il vient me manger dans la main, ingrat, en me remerciant d'une écorchure. Héros mélancolique au profil anguleux, le corbeau peuple mes songes les plus blancs. Sa plainte ressemble à s'y méprendre au violon de la gargouille qu'il frôle en haut des cathédrales. Hôte des sommets -châteaux, clochers, tours d'ivoire- il côtoie aristocrates, bedeaux, sorcières, vieux hiboux.

Sa chair coriace fait de lui un éternel épargné, tandis que la tendre, la blanche palombe attire à elle seule les plombs de tous calibres, et fait même exhiber l'or des plus fins gourmets. Lui, n'encourt que moqueries, dédain, indifférence. Vous le verrez très honoré de ces froideurs. Mondain des bois, il raille, maudit, persifle... Cynique, hautain et inquiétant dans sa cape.

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Qui est Raphaël Zacharie de IZARRA ?

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J'ai embrassé tous les aspects du monde, du gouffre le plus bas au sommet le plus glorieux, de l'anodin au sublime, de la bête au divin, du simple caillou à qui j'ai donné la parole jusqu'au fracas galactique que j'ai réduit au silence devant un battement d'aile. Je suis parti du microcosme pour me hisser jusqu'aux astres, sans omettre de poser mon regard à hauteur de vos boutons de chemise. J'ai exploré les vices les plus baroques autant que les vertus les moins partagées, je suis allé sonder les petits ruisseaux mentaux de mes frères humains mais aussi les fleuves nocturnes de mes chats énigmatiques. Je suis allé chercher le feu olympien à droite et à gauche, m'attardant à l'occasion sur mes doigts de pied. J'ai fait tout un fromage de vos mesquineries de mortels, une montagne de mots des fumées de ce siècle, un pâté de sable de vos trésors. L'amour, la laideur, la solitude, la vie, la mort, les rêves, l'excrément, le houblon, la pourriture, l'insignifiance, les poubelles de mon voisin, le plaisir, le vinaigre, la douleur, la mer : tout a été abordé. J'ai embrassé l'Univers d'un regard à la fois grave et loufoque, limpide et fulgurant, lucide et léger, aérien et "enclumier".