lundi 11 décembre 2023

35 - 1975

En mille-neuf-cent-soixante-quinze j'avais dix ans et la France dans les campagnes, toutes très animées, chaussait encore des sabots. Elle était vêtue de paille ou bien crottée de fumier et chantait des airs du siècle d’avant. Elle portait des casquettes crasseuses et arborait des faces burinées. Des signes qui aujourd'hui pourraient sembler dérisoires ou simplement pittoresques. Mais qui en disaient long sur ces vieilles gens aux destins âpres et humbles que je n'ai pas oubliés...
 
Les vaches dans les pâtures autour des maisons faisaient partie de la population. Les chiens hurlaient parfois à la mort au crépuscule et le matin le coq sonnait l'heure du réveil.
 
Les feux le bois qui brulaient au fond des jardins répandaient une odeur de paradis champêtre. Ca sentait bon les parfums bucoliques, la fumée issue des végétaux n'étant pas considérée à cette époque comme une pollution mais comme l'émanation de la joie de vivre.
 
Même en ville on respirait le contenu des réservoirs d‘essence mêlé d’azur, humait l’herbe fraîche aux abords du goudron.
 
Et partout l'on s’abreuvait de vraie liberté de pensée.
 
Les enfants se promenaient dans les bois sans écran de lecture au bout des doigts mais avec un écrin de verdure sous les pieds.
 
Avec dans une main un bouquet de fleurs, dans l'autre un livre. Les jeunes étaient connectés à la nature, au réel, à l'Univers entier. Non à la 5G.
 
Il y avait des mots d’amour dans le ciel, des papillons dans le coeur des villageois, du soleil dans leurs poches. En été à midi on mangeait portes et fenêtres ouvertes. Et les bruits des couverts se mêlaient au chant des oiseaux, innombrables. Les fils électriques, comme des partitions de musique au bord des routes, en accueillait par milliers...
 
Le soir les voisins se postaient sur le seuil de leur porte et se parlaient, se tenant au courant des nouvelles locales, colportant rumeurs et ragots, commentant à n'en plus finir la pluie et le beau temps...

Tels étaient, en terres rurales, le quotidien et l'évasion de ce peuple heureux de ma jeunesse, âmes honnêtes au sort sans histoire et aux jours paisibles, loin, très loin du sentiment de malheur et de perdition de notre monde technologique. 

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Qui est Raphaël Zacharie de IZARRA ?

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J'ai embrassé tous les aspects du monde, du gouffre le plus bas au sommet le plus glorieux, de l'anodin au sublime, de la bête au divin, du simple caillou à qui j'ai donné la parole jusqu'au fracas galactique que j'ai réduit au silence devant un battement d'aile. Je suis parti du microcosme pour me hisser jusqu'aux astres, sans omettre de poser mon regard à hauteur de vos boutons de chemise. J'ai exploré les vices les plus baroques autant que les vertus les moins partagées, je suis allé sonder les petits ruisseaux mentaux de mes frères humains mais aussi les fleuves nocturnes de mes chats énigmatiques. Je suis allé chercher le feu olympien à droite et à gauche, m'attardant à l'occasion sur mes doigts de pied. J'ai fait tout un fromage de vos mesquineries de mortels, une montagne de mots des fumées de ce siècle, un pâté de sable de vos trésors. L'amour, la laideur, la solitude, la vie, la mort, les rêves, l'excrément, le houblon, la pourriture, l'insignifiance, les poubelles de mon voisin, le plaisir, le vinaigre, la douleur, la mer : tout a été abordé. J'ai embrassé l'Univers d'un regard à la fois grave et loufoque, limpide et fulgurant, lucide et léger, aérien et "enclumier".