vendredi 10 janvier 2014

9 - MÉDECIN DE CAMPAGNE

Le Docteur Berthier (nom d'emprunt) était un personnage étrange et fantasque. Avec sa personnalité écrasante, il dominait son petit monde d'une main ferme et peu scrupuleuse. De bizarres principes réglaient sa vie. Par exemple, lors de ses tournées médicales il mettait un point d'honneur à rouler dans une voiture couverte de crasse.

Aux jours les plus torrides de l'été il recevait ses patients en slip. 

En toute simplicité. 

Il accueillait en outre avec de bien curieux égards ses jolies patientes, se contentant d'engrosser les plus laides.

Dans le village il ne portait jamais secours aux accidentés de la route, reprochant aux habitants de ne l'appeler qu'en cas d'urgence, ce qui avait le don de le beaucoup contrarier. Et pendant qu'agonisaient les blessés à deux pas de son cabinet médical, lui cultivait paisiblement son jardin.

Le Docteur Berthier avait de drôles d'opinions qu'il défendait avec opiniâtreté. A destination de certains de ses confrères il envoyait régulièrement ses excréments par voie postale pour marquer sa désapprobation. Ou sa rancoeur. Ou sa présence. Ou sa qualité de coq dominant. Bref, les motifs semblaient assez minces pour justifier ses envies d'exprimer à ses confrères plus hauts placés que lui ses penchants scatophiles.

Il aimait particulièrement l'or qu'il assimilait avec délectation à l'excrément à cause de ses ressemblances de poids et de couleur avec la substance fécale. Il ne cachait nullement son étrange passion pour le métal jaune et la matière malodorante. Au contraire, doctement et avec une grande fierté il expliquait à qui ne voulait surtout pas l'entendre son amour immodéré pour l'or et l'excrément. Il racontait souvent une histoire invariable où l'or se mêlait glorieusement à l'excrément : l'air rêveur, il jurait par tous les dieux qu'il eût plongé volontiers sa main jusqu'à l'épaule dans un grand sceau de merde s'il avait pu miraculeusement y ramener à la surface des pièces d'or ! L'or et la merde : ses deux plus chers fantasmes réunis dans cette histoire inlassablement répétée...

Avec sagesse il fertilisait d'ailleurs régulièrement son jardin de ses propres déjections. Un sceau d'excréments rempli à ras bord dans chaque main, il s'adonnait avec ferveur à son sport potager favori en répétant cent fois entre chaque sillon qu'il avait raté sa vocation, qu'au lieu d'être médecin il eût préféré être vidangeur...

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Qui est Raphaël Zacharie de IZARRA ?

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J'ai embrassé tous les aspects du monde, du gouffre le plus bas au sommet le plus glorieux, de l'anodin au sublime, de la bête au divin, du simple caillou à qui j'ai donné la parole jusqu'au fracas galactique que j'ai réduit au silence devant un battement d'aile. Je suis parti du microcosme pour me hisser jusqu'aux astres, sans omettre de poser mon regard à hauteur de vos boutons de chemise. J'ai exploré les vices les plus baroques autant que les vertus les moins partagées, je suis allé sonder les petits ruisseaux mentaux de mes frères humains mais aussi les fleuves nocturnes de mes chats énigmatiques. Je suis allé chercher le feu olympien à droite et à gauche, m'attardant à l'occasion sur mes doigts de pied. J'ai fait tout un fromage de vos mesquineries de mortels, une montagne de mots des fumées de ce siècle, un pâté de sable de vos trésors. L'amour, la laideur, la solitude, la vie, la mort, les rêves, l'excrément, le houblon, la pourriture, l'insignifiance, les poubelles de mon voisin, le plaisir, le vinaigre, la douleur, la mer : tout a été abordé. J'ai embrassé l'Univers d'un regard à la fois grave et loufoque, limpide et fulgurant, lucide et léger, aérien et "enclumier".