samedi 28 novembre 2020

27 - Une odeur

L'autre jour à  travers ma fenêtre ouverte ça sentait l'ail, le persil et le beurre fondu. On préparait, me semble-t-il, des escargots dans le restaurant  jouxtant ma demeure mancelle.
 
Aussitôt des souvenirs d'enfance me revinrent en mémoire : je me revoyais, cinquante ans en arrière dans le nord de la France, courant dans l'herbe, l'âme légère, le pas leste, le coeur lumineux sous la clarté d'un été idéal.
 
Porté par ces effluves culinaires, je remontais dans mon passé.
 
Et le voyage s'avéra fantastique.
 
Ranimées par ces parfums de cuisine, d'autres images enfouies dans la poussière de l'oubli resurgirent dans ma tête. Fulgurantes.
 
J'avais l'âge des fleurs qui naissent au printemps. Je filais dans les airs comme une hirondelle. Avec des ailes pour aller jusqu'au Soleil. Et du vent dans les oreilles, et de longs cheveux sur mon front, et l'azur devant moi...
 
Et je bondissais dans les prés.
 
Je croisais des sauterelles dans des immensités de verdure. Le ciel était parsemé de cerises. Les nuages beaux, mystérieux, prenaient des formes de glaces crémeuses. Une friandise inaccessible qui me faisait rêver depuis mon sol de candeur.
 
Des abeilles tournoyaient dans l'espace, des fourmis s'éparpillaient sous mon pied, des papillons se posaient sur ma main et je discernais des forêts infinies dans les brumes  de l'horizon.
 
J'imaginais d'autres maisons derrière le bleu du lointain et le vague de ma vision... Des mondes indistincts peuplés de gens minuscules : l'effet de la distance me faisait rapetisser la réalité.
 
Et je cavalais dans les chemins.
 
Des avions parcouraient la nue et je les prenais pour des brindilles, tout là-haut... Et je ne savais pas s'il fallait rire ou pleurer quand on me disait que de gens se trouvaient à l'intérieur.
 
Et je trottais dans la prairie.
 
Je me sentais telle une particule de vie plongée dans un océan de lumière, étrange et merveilleux...

A quatre ans, dans le tourbillon de mes jours d'insouciance, je découvrais également l'odeur d'ail, de persil et de beurre fondu.

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Qui est Raphaël Zacharie de IZARRA ?

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J'ai embrassé tous les aspects du monde, du gouffre le plus bas au sommet le plus glorieux, de l'anodin au sublime, de la bête au divin, du simple caillou à qui j'ai donné la parole jusqu'au fracas galactique que j'ai réduit au silence devant un battement d'aile. Je suis parti du microcosme pour me hisser jusqu'aux astres, sans omettre de poser mon regard à hauteur de vos boutons de chemise. J'ai exploré les vices les plus baroques autant que les vertus les moins partagées, je suis allé sonder les petits ruisseaux mentaux de mes frères humains mais aussi les fleuves nocturnes de mes chats énigmatiques. Je suis allé chercher le feu olympien à droite et à gauche, m'attardant à l'occasion sur mes doigts de pied. J'ai fait tout un fromage de vos mesquineries de mortels, une montagne de mots des fumées de ce siècle, un pâté de sable de vos trésors. L'amour, la laideur, la solitude, la vie, la mort, les rêves, l'excrément, le houblon, la pourriture, l'insignifiance, les poubelles de mon voisin, le plaisir, le vinaigre, la douleur, la mer : tout a été abordé. J'ai embrassé l'Univers d'un regard à la fois grave et loufoque, limpide et fulgurant, lucide et léger, aérien et "enclumier".