Les giboulées faisaient pleurer les toits, chanter les trottoirs et rire
les enfants. Le village sous les averses de mars devenait glacial et argenté,
sinistre et illuminé.
Des gouttières s’écoulait une écume en furie, de mon âme émanait une onde
trouble. Sous le charme de la saison âpre et triste, je rêvais en
marchant.
Dans les flaques je voyais tantôt ma face pâle, tantôt un
arc-en-ciel.
Les nues sombres alternaient avec un soleil vif et intérieurement je
passais du froid tranchant à la glace fondue.
En moi, d’immenses étendues blanches, de vastes contrées givrées, des flots
de poésie naissante, des vagues de sentiments neufs, des tourmentes de joie, des
cumulus de légèreté.
Les gouttes sur mon front étaient des baisers pétrifiants, de liquides
frissons, des caresses mouillées. Elles ruisselaient jusque dans mon cou
pareille à une liqueur gelée.
Je me délectais de ces larmes frigorifiées au goût de nuages, de liberté,
d’infini. Et sous la grêle je tremblais d’un bonheur humide, austère, clair,
fluide et pénétrant.
Trempé, grelottant, enivré de neige mourante, je me sentais plus vivant que
jamais.
Dans les flaques, par-delà mon visage ou les simples jeux de lumière, se
reflétait un autre monde.
Entre deux déluges de glaçons l’astre faisait étinceler l’eau tout autour
de moi.
Et je rêvais, rêvais en cheminant...
Et là, en descendant la rue, je montais vers mon paradis.
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